Carte blanche à Marie-Pierre Musseau – les mois de l’année et leurs légendes – JANVIER
JANVIER
Saturne, pour remercier Janus le pacifique de l’avoir sauvé des foudres de Jupiter et accueilli dans son royaume, lui offrit le pouvoir de connaitre le passé et l’avenir.
De ce fait, on le représente avec deux visages : l’un regarde l’année qui s’en va et l’autre celle qui vient.
De sa main droite, il tient la clé avec laquelle il ouvre le nouvel an.
Dorénavant, il est le père Janvier : un bon pépère entre le père Noël, le père Temps et le père Hiver.
Sa plante, c’est le gui.
Il affectionne particulièrement ce rameau qui pousse entre deux mondes, entre ciel et terre, suspendu dans l’espace et le temps.
On dirait le nid mal fagoté d’un oiseau bizarre !
Les dieux des temps anciens l’ont semé sur les branches et pour les druides, il possède toutes les lumières de l’enchantement et se prête magiquement à de multiples guérisons.
Le gui protège de la foudre, chasse les sortilèges, favorise les amours sincères et l’accomplissement des rêves.
Janvier est un sédentaire, inventeur de la veillée, des anecdotes du vieux temps, des contes, ce langage universel des esprits, du shaman et du barde.
La mémoire des contes perpétue l’alliance avec la faune, la flore et l’âme cachée des choses de la nature. Elle parle de sagesse …
En janvier, commère Pluviôse, aidée par la fée aux yeux verts et les lutins roux, provoque les ondées.
« Si vous voyez un chat assis sur une fenêtre lever la patte pour la passer au- dessus de l’oreille, alors ne doutez pas qu’il pleuve ce jour-là » affirme Dame Mehaut de Caillotte*, qui attendra le lendemain pour étendre sa lessive.
Parfois, sur la colline, le Petit Peuple pose un chaudron pour montrer que la coupe est pleine !
Pourquoi vouloir chasser la pluie se dit le père Janvier si ce mois lui est destiné ?
Elle chante, murmure, berce, raconte les paysages secrets du ciel et fait chanter les toits.
En s’évaporant, elle conduit les rêves au paradis et mêlée aux rayons du soleil trouve l’arc en ciel.
Elle est purificatrice et la maison nuptiale, touchée par son aile, connaitra bonheur et abondance.
Janvier est un mois de repli et sous son ciel refermé, peu de plumages, de poils et de fourrures se hasardent dehors.
On dirait que l’hiver a emporté ailleurs ses animaux.
Le jardin, tout en terre, en mottes et en rigoles, n’offre peut-être pas le plaisir des abondances florales ni les utilités du potager mais il ne meurt jamais. Il est une permanence que les saisons incarnent.
Les druides coupant le gui saluaient l’an neuf en criant : « E gui na ne » (au gui l’an neuf)
Faisons de même !
*Dame Mehaut de Caillotte est l’une des six sages doctoresses que l’on retrouve dans un manuscrit de 1480 publié à Bruges, les Evangiles des quenouilles.
Elles se réunissent pour disserter à tour de rôle sur ce qui compose leur vie quotidienne, notamment les dictons et les croyances.
L’image de cet article – Miniature de l’ouvrage Les Très Riches Heures du duc de Berry et peinte par Paul de Limbourg.