Carte blanche à Marie-Pierre Musseau – les mois de l’année et leurs légendes – AVRIL
AVRIL
Le terme « avril » vient du latin « aperire » qui signifie « ouvrir ».
Effectivement, tout s’ouvre … les bourgeons, le ciel, la forêt, les fleurs …
Selon Ovide, c’est à Aphrodite qu’il doit son nom, lorsqu’aux premières douces brises elle dévoile sa beauté.
Avril est un temps d’enchantement, de retrouvailles aux sources de l’enfance, de liberté cueillie aux deux notes mystérieuses et sacrées du coucou.
On sort les outils : plantoir, bêche, binette. Il y a du travail à faire !
Dans les prés, les pâquerettes guident les cloches et les courses aux œufs.
Petite fleurette de l’oracle, la pâquerette répond par son dernier pétale à la question de qui l’effeuille, soit pour les amours, l’avenir, la profession, c’est selon …
Si on jette en l’air ses pétales en essayant de les rattraper sur le dos de la main, le nombre récupéré prédit combien viendront de berceaux.
Les primevères ressemblent à des fleurs de dessin animé et le magnolia tend ses ramures étincelantes d’étoiles éclatées.
Alors on se dit : « c’est le paradis ! »
Cerisiers, pommiers, pruniers sont comme un mirage de blancheur et de pureté que l’on peut retrouver dans les lieux bienheureux où vivent les fées.
L’ail des ours tapisse les sous-bois frais et les jardiniers du Petit Peuple font grand cas de ses effets. Ils l’utilisent en friction avant chaque rencontre charnelle.
Sur les talus apparait la mystérieuse euphorbe, fleur préférée de la fée Morgane. Elle chasse les démons et son suc blanc brûle les verrues.
« Fleurs d’avril ne tiennent qu’à un fil » …
Les gelées peuvent revenir et la lune rousse lorgne, pas bien loin !
Cette lune qui monte et rayonne durant quatorze nuits si méchamment que son onde glacée enveloppe campagne et jardins et brûle et gèle et tue tout ce qui éclot, croît et bourgeonne.
C’est celle que le cultivateur craint le plus et cette peur nous vient du temps des grimoires.
On ne date plus ces âges-là qui remontent au-delà des « il était une fois ».
« En avril, ne te découvre pas d’un fil » …
Pourtant, les mammifères perdent leur poil d’hiver, les cerfs mâles arrachent leur ramure !
« Coucou coucou ramène le temps doux » …
Le coucou est ce drôle d’oiseau qu’on prétend à la fois bienfaiteur et prédateur.
S’il ne chante pas comme les autres, c’est qu’il se contente d’être un simple et modeste messager.
Pour certains, il est l’oiseau du renouveau et du renoncement. Voilà pourquoi il ne bâtit pas de maison et vit de mendicité.
Pour d’autres au contraire, il est le pirate paresseux qui parasite les nids et jette les occupants par-dessus bord, en ne répétant que deux notes, parce qu’incapable d’en apprendre plus.
Avril voit revenir l’escargot, sa maison sur le dos et son chemin luisant sur l’herbe tendre du matin.
Peut-être croisera-t-il la Parisette, une très jolie fée, d’une beauté naturelle et sauvage, gaie comme un pinson, aimée du Petit Peuple des bois dont elle est la bienfaitrice et de ceux qui s’y promènent.
Elle sauve les bûcherons et les jeunes gens que les sorcières de l’hiver ont tourmentés.
La coutume des œufs de Pâques est fort lointaine.
Pour les anciens, l’œuf était le symbole de la fécondité et jouait un grand rôle dans les fêtes de printemps, notamment chez les Celtes qui ne manquaient jamais de célébrer l’an nouveau (avant qu’il ne soit en janvier) en mangeant des œufs peints en rouge, couleur de la vie.
On disait en Bourgogne que les œufs pondus durant la semaine sainte pouvaient éteindre les incendies et servir de porte-bonheur mais que ceux du vendredi renfermaient des crapauds-serpents fort dangereux.
Samedi saint marque le grand retour des cloches de leur voyage à Rome. Ce sont elles qui sèment œufs, poules, lapins et poissons en chocolat, enveloppés de papier brillant.
Dimanche, l’agneau pascal mijote dans la marmite.
On a dressé la table, sorti les bouteilles, c’est la fin de la semaine maigre et le temps suspendu aspire à l’harmonie.
En mai, la permission de faire ce qu’il nous plait nous est accordée, aussi, nous partirons à la rencontre des royaumes enchantés, des elfes et elfines, des lutins, des fées et autres farfadets.
Nous voyagerons en Brocéliande sur les pas de Merlin, en Pixieland, en Fairyland ou tout simplement au fond du jardin, derrière la haie, en eaux douces, à la montagne ou à la mer.
Nous suivrons en toute discrétion les traces laissées par le passage du Petit Peuple et ces explorations, vous le verrez, nous réserveront bien des surprises …