Un Autre Monde par Marie-Pierre Musseau – L’Abeille
L’Abeille
« Je crois que la nature est pleine de choses que nous ne pouvons voir.
Certaines sont grotesques ou monstrueuses mais beaucoup d’autres sont magnifiques et ne nous sont pas si éloignées.
De tous temps, les simples et les sages les ont vues et leur ont même parlé. »
William Buttler Yeats (poète irlandais, prix Nobel de littérature 1923)
Qu’est ce qui existe vraiment ? Je me pose souvent cette question.
La réponse semble évidente et pourtant je ne suis pas très sûre de moi.
En parcourant de très vieux bestiaires, j’ai découvert une infinité d’animaux qui, pour la plupart des gens, n’existent pas « pour de vrai ». Dans certains textes, j’ai trouvé des descriptions et des illustrations extrêmement détaillées de licornes, de sirènes et même de fées. Ces histoires remontent à des siècles voire à des millénaires et ce sont elles qui ont nourri les célébrissimes contes.
Nous ne voyons pas les microbes, or, ils sont là, partout, par millions ! Juste trop petits pour être vus à l’œil nu.
De là à en déduire que ce que nous voyons n’existe pas, il n’y a qu’un pas.
Et pourtant…
Je vous propose de partir sur les traces des esprits de la nature, de découvrir les caractéristiques, les habitudes et les lieux de vie des habitants du monde invisible, des mondes invisibles.
Le Petit Peuple affectionne particulièrement les haies touffues et sauvages, les lisières de forêts, les sources, les grottes.
On peut aussi espérer entrevoir quelques petites créatures emprunter le chemin qui mène à notre jardin, chemin bordé de primevères et de jacinthes, sous les feuillages d’un chêne ou d’un bouleau.
Qu’ils soient fées, lutins ou elfes, ces petits êtres sont très sensibles au respect que nous devons avoir pour eux ; oublions donc tous les insecticides, engrais chimiques et autres désherbants, ils fuient cela comme la peste !
Abandonnez un coin du jardin aux herbes folles, aux orties et aux ronces, ils en raffolent.
Dès lors, avançons avec précautions, ouvrons nos oreilles, car nous allons entrebâiller les portes d’un royaume bienheureux et d’un autre savoir. Le temps ici ne compte pas. Nul besoin d’équipement sophistiqué, de lunettes spéciales ou d’un détecteur pour dénicher empreintes et traces laissées par les habitants du monde enchanté.
Il suffit à l’amateur de fées d’ouvrir l’œil au bon moment, de sentir, de se baisser et d’observer la nature, de lever la tête vers le ciel, d’interroger les recoins du sous-bois et ce qu’il cherche lui sera montré …
Le paysage est un grimoire qu’il est préférable de lire entre les lignes.
Pour ouvrir le bal, j’ai choisi une créature délicate et précieuse : l’Abeille.
Étonnant me direz-vous de la voir introduire le monde du Petit Peuple de la nature !
N’oublions pas que sans elle, il n’y aurait tout simplement pas de nature.
On dit qu’elles sont issues des larmes de Râ, dieu solaire égyptien.
Symbole de puissance, de richesse, de sagesse, les abeilles ont offert très tôt aux hommes les somptueux présents que sont le miel et la cire.
On ne compte plus leurs utilisations en médecine ou en cuisine, ne fût-ce que sous la forme de boissons sacrées comme l’hydromel chez les Celtes. Associée à Déméter, déesse grecque de l’agriculture, elle incarne fertilité et fécondité.
C’est aussi une guerrière au dard redoutable. Les livres de magie rapportent que lorsqu’une sorcière avalait la reine d’un essaim, elle pouvait supporter toutes les tortures et échappait aux flammes du bûcher.
En lien avec les nymphes, les abeilles n’en sont pas moins assorties aux lutins et aux fées, que l’on sait grands amateurs de miel. Certains prétendent que l’essaim dans son ensemble représente le corps d’une fée et que la reine en est le cœur ou l’âme. L’abeille partage avec la fée son amour des fleurs, son rôle de gardienne et de pollinisatrice.
Les fleurs sont des signes merveilleux, des étincelles que sèment partout les fées.
Chaque fleur au parfum d’enfance accueille en son cœur une multitude de fées, de lutins et d’elfes qui vivent et dorment dans ses pétales.
Les fleurs blanches protègent des mauvais sorts et entrent dans la composition des philtres d’amour.
Elles servent d’écrits et disent les mots que la bouche ne saurait prononcer.
Les fleurs servent aussi de bijoux aux princesses des talus.
On peut les cueillir mais il ne faut surtout pas les arracher car ce serait offenser les fées.
Les fées sonnent les campanules pour prévenir du danger, tressent du chèvrefeuille dans les cheveux des amoureux et sèment des graines aux quatre vents.
Elles travaillent souvent en harmonie avec les insectes pour protéger les plantes.
Alors que vous êtes assis paisiblement dans un jardin parmi les herbes parfumées et les fleurs aux couleurs vives, un battement furtif peut trahir la présence des fées. On peut les apercevoir qui volent aux côté des papillons.
Le verger est un endroit magique auquel elles sont incapables de résister.
Les fées des bois, quant à elles, entretiennent d’étroites relations avec nos amis à plumes.
Nous verrons cela dans le prochain article.
Nous resterons d’ailleurs un petit moment en compagnie des fées avant d’aller à la rencontre des arbres, ces ponts tendus entre notre monde et l’autre …