Surprises Sylvestres
Notre monde moderne agite continuellement des rêves de notoriété et de richesse.
La ville trace le quadrillage étroit de nos destinées avec ses boulevards qui nous imposent l’axe et le sens de nos vies. Tout a été soigneusement délimité.
Les frontières entre les pays, les langages appris et utilisés, les coutumes, les règles de conduite, les rôles de chacun. Tout est pour ainsi dire cadré.
L’humain poursuit ses rêves de gloire, considère la nature comme sa propriété et en jouit selon ses caprices.
Ce comportement égoïste a aujourd’hui montré ses limites. Les catastrophes environnementales s’enchaînent, mettant en danger l’équilibre des écosystèmes mais aussi la survie même de l’humanité.
Il est temps de lever le voile pour laisser place à la lumière.
Est-il souhaitable de sortir du monde ordonné de la société humaine, au moins pour un moment ? Évidemment, la réponse est oui.
La nature nous ouvre les portes de son royaume avec une grande générosité. Offrons nous la liberté de venir en terre enchantée.
La forêt offre le plaisir de se perdre. Le promeneur sylvestre découvre les joies de l’errance, se laisse griffer par les ronces, se fait surprendre par la nuit et se sent finalement tout petit. Le secret du bonheur ne se trouverait-il pas dans l’acceptation de notre petitesse au milieu de l’immensité du vivant ?
La forêt est un hommage à cette vitalité qui s’exprime, une ode au bourdonnement des insectes, aux rochers, aux mousses duveteuses, aux arbres tortueux et aux bêtes qui rôdent, un hymne aux espaces infinis.
Nous sommes à l’orée d’un paysage sauvage et une vaste étendue multicolore se profile à l’horizon.
« Voilà un paysage selon ton goût, un paysage fait avec la lumière et le minéral et le liquide pour les réfléchir»
Charles Baudelaire
Dans ce monde, il n’y a que des arbres, un enchevêtrement de racines, de troncs, de rameaux qui flottent dans un azur à peine griffé par le vol des oiseaux. Le soleil y creuse de mouvantes galeries de lumière et les ombres glissent sans jamais s’attarder. Ce qui s’anime n’était pas là l’instant d’avant et pourra s’effacer l’instant d’après.
Le soir, entre chien et loup, la forêt se drape d’un voile de mystère. L’air se rafraîchit et la luminosité décline rapidement. Les esprits de la nature du jour se retirent pour laisser place à ceux de la nuit.
C’est le temps du passage à la frontière du pays des songes, entre merveilles et sortilèges.
Le hululement d’une chouette sonne notre arrivée. Dressé auprès d’un lumineux passage, un saule sans âge à la tête ridée de vieux sage nous invite à entrer. C’est le gardien de la porte enchantée.
Et si on allait voir de plus près ? …
(A suivre)
Marie-Pierre Musseau